may you remember •• khal

J'ai peur... M'était-ce déjà arrivé auparavant ? Bien sûr. Comment ne pas être effrayée devant père qui tue mère à petit feu, devant mère qui dévore père comme une carcasse de lapin abandonnée ? J'étais effrayée. Je pensais que jamais, jamais il n'existerait d'autre événement aussi effrayant que celui que j'ai autrefois vécu. Je pensais qu'il me serait incapable de ressentir de nouveau cette douleur lancinante qui vous prend aux tripes, qui vous écartèle sans merci et vous jette dédaigneusement au sol après avoir fait son affaire. C'est cela, la peur. Et alors que ces étoiles se décrochent du ciel pour venir s'écraser avec violence sur ces terres où j'ai ri, pleuré, aimé puis perdu, je me sens partir. Et je résiste. Et je pleure. Ce masque que je m'étais créé au fil des lunes et ce depuis le meurtre mutuel de mes parents, il est en train de se détruire, s'envolant en de petites poussières inesthétiques. Dans un réflexe vain, je plaque mes pattes sur mes oreilles et m'écrase au sol, espérant peut-être m'y enfouir et y rester en sûreté. Je ne sais plus ce que j'espère. L'Espoir lui-même m'a quittée, pour être honnête. Et je sombre. Quelque part, dans mon esprit, je sais que la personne que j'étais ne reviendra pas... Hellébore Pourpre disparaît alors lentement.

Et c'est là que tu te réveilles. Toi, toi qui m'a remplacée dès le premier instant où tu as ouvert les yeux sur ton monde. Ce monde que je ne connais pas, celui qui a pris la place de celui que je connaissais. Moi, j'étais Hellébore Pourpre. Fougueuse, sans peurs, frivole et âme libre. Et je sais que tu as changé en devenant qui tu es. Missandei, tu m'as fait disparaître. Désormais, je ne suis plus qu'un bout d'âme perdue, âme qui vole tout autour de la nouvelle personne que tu as fait de nous et qui t'observera jusqu'à probablement le jour de ta mort.
Tu ouvres un œil absent. Il te faut du temps pour réaliser où le Clan des Étoiles a décidé de déposer notre corps meurtri. Tout d'abord déroutée, tu te mets à t'affoler. Quel était donc ce rêve !? te demandes-tu. Ce rêve, Missandei, c'était tout d'abord le Clan des Étoiles qui te soufflait le nom qui m'a suivie, celui que tu portes désormais peut-être mieux que je portais Hellébore Pourpre. Ensuite, Leith et Ina te sont apparues, et t'ont expliqué de leur voix rassurante et téméraire qu'elles t'ont choisie, toi. Tu as donc perdu l'or pâle qui teintait nos yeux auparavant, pour te faire attribuer celle de la lavande et du ciel clair. Puis tu t'es réveillée... et nous y voilà. Toi, dans l'incompréhension, sans le moindre souvenir de ce qu'il s'est passé. Moi, l'âme perdue de celle que tu étais, dotée de tous les savoirs mais incapable de t'en faire part. Après tout... je n'existe plus.

Déroutée et affolée, tu poses une patte, puis l'autre. Il t'est difficile de te lever, en effet le grand Cataclysme nous a fait beaucoup de dégâts, mais évidemment tu ne peux t'en souvenir. Regardant autour de toi, tu cherches une silhouette, une montagne, un repère pour être certaine que tu n'as pas sombré, comme moi, dans une faille où l'oubli dicte le chemin à prendre.